Procédure d'appel et gestion des délais en cas de demande d'aide juridictionnelle

Décision constatant la caducité de la demande d'aide juridictionnelle : seule la notification de cette décision peut faire courir le délai imparti à l'appelant pour conclure.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 17 mars 2016, n°15-10754

On sait que dans la nouvelle procédure d'appel issue du décret Magendie, l'appelant doit conclure dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, à peine de caducité de celle-ci (article 908 du code de procédure civile). Si l'intimé n'a pas constitué avocat, il dispose d'un mois supplémentaire pour lui signifier ses conclusions, par voie d'huissier, sous la même sanction (article 911 du même code).

 

De plus, et contrairement à ce qui existe pour d'autres voies de recours, le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle n'interrompt pas le délai d'appel.

 

Une partie souhaitant contester un jugement rendu contre elle peut donc être contrainte, si le délai de recours a commencé à courir, de relever appel immédiatement, alors même qu'elle ignore si elle pourra bénéficier de l'aide juridictionnelle.

 

Or en cas de rejet, l'appelant ne souhaitera peut-être pas, ou ne pourra pas, maintenir son appel. Et en cas d'admission, les conclusions ne pourront de toute manière être signifiées qu'une fois un huissier désigné dans la décision accordant l'aide juridictionnelle.

 

Pour concilier ces deux impératifs, les textes prévoient heureusement que les délais pour conclure et signifier les conclusions aux parties non constituées ne courent pas en cas de dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle.

 

Plus précisément, l'article 38-1 du décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 relatif à l'aide juridique prévoit que les délais pour conclure courent à compter :

 

  • De la notification de la décision constatant la caducité de la demande
  • De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive
  • Ou, en cas d'admission, de la date, si elle plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné

 

Il faut préciser par ailleurs qu'il ne s'agit pas là d'une suspension des délais pour conclure, mais bien d'une interruption, ce qui signifie qu'un nouveau délai commence à courir (3 mois ou 2 mois selon que l'on est appelant ou intimé), et non seulement le temps restant à courir à la date du dépôt de la demande d'aide juridictionnelle.

 

Dan l'affaire soumise à l'examen de la Cour de cassation, la Cour d'appel, sur déféré de l'ordonnance du Conseiller de la mise en état constatant la caducité de la déclaration d'appel, avait cru pouvoir considérer que le délai pour conclure au soutien de l'appel avait couru à compter, semble-t-il, à compter de la date limite impartie par le bureau d'aide juridictionnelle pour déposer les pièces complémentaires demandées.

 

Pourtant, le texte de l'article 38-1 ne souffre aucune ambiguïté ou difficulté : le délai ne commence à courir qu'à compter de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle constatant la caducité.

 

C'est ce que rappelle la Cour de Cassation dans son arrêt du 17 mars 2016.

SUR LE MOYEN UNIQUE :

 

Vu l'article 908 du code de procédure civile, ensemble les articles 38-1 et 42 du décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a interjeté appel, le 6 juin 2013, d'un jugement d'un tribunal d'instance ayant prononcé la résiliation d'un bail qui lui avait été consenti par la société Régie immobilière de la ville de Paris (la RIVP) ; que lors du dépôt, le 30 mai 2016, d'une demande d'aide juridictionnelle relative à cette procédure, le bureau d'aide juridictionnelle lui avait demandé de produire des pièces complémentaires avant le 14 juin 2013 sous peine de caducité de sa demande ; que, suite à une nouvelle demande déposée le 27 septembre 2013, l'aide juridictionnelle totale lui a été accordée le 4 octobre 2013 ; que le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel par une ordonnance du 7 novembre 2013 ;

 

Attendu que pour rejeter la demande de rétractation de l'ordonnance du conseiller de la mise en état, l'arrêt, après avoir relevé que M. X... n'avait pas répondu à la demande de la RIVP de communiquer la décision de rejet de la première demande d'aide juridictionnelle prononcée par le bureau d'aide juridictionnelle, retient que le délai de trois mois pour conclure au soutien de l'appel avait couru à compter du 14 juin 2013 et, qu'en conséquence, la caducité de la déclaration d'appel était intervenue le 14 septembre 2013, la nouvelle demande d'aide juridictionnelle, acceptée le 4 octobre 2013 par le bureau d'aide juridictionnelle, n'ayant pu faire courir un nouveau délai pour le dépôt des conclusions ;

 

Qu'en statuant ainsi, alors que seule la notification de la décision constatant la caducité de la demande d'aide juridictionnelle peut faire courir le délai imparti à l'appelant pour conclure, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu...

Ainsi, en cas de caducité de la demande d'aide juridictionnelle, le délai pour conclure ne commence à courir qu'à compter de la notification de la décision constatant cette caducité, non à compter de la décision elle-même, pourtant non susceptible de recours (article 40 du décret précité), et encore moins à compter de l'expiration du délai imparti au demandeur à l'aide pour déposer ses pièces complémentaires.

 

En revanche, la Cour ne précise pas si le dépôt d'une seconde demande d'aide juridictionnelle aurait pu faire courir, pour l'appelant, demandeur à l'aide juridictionnelle, un nouveau délai de trois mois pour conclure.